Comment tel le Phœnix, l’ Airbus A380 renait de ses cendres

C’est un vrai paradoxe. L’Airbus A380, ce magnifique gros porteur plébiscité par ses passagers qui en appréciaient les qualités, avec de l’espace, une insonorisation bien supérieure à la moyenne et un confort inégalé, avait été soudainement mis sur la touche par nombre de compagnies aériennes pour éviter les foudres d’une frange virulente d’activistes anti-avion. Le plane-bashing était à l’œuvre. Ces compagnies se drapant dans leur vertu, ont annoncé en chœur renoncer à l’A380, assez gourmand en carburant, pour le remplacer par des avions plus petits et consommant moins. Ce qui n’était pas totalement une mauvaise chose. Mais en retirant brutalement les avions de leurs flottes alors qu’ils avaient encore de longues années devant eux, les compagnies ont fait face à une autre forme de gaspillage économique, d’autant plus que les remplacer par de nouveaux avions, certes plus performants, cela a aussi un lourd impact écologique.

Mais tout d’un coup, ces mêmes compagnies qui juraient haut et fort qu’elles ne feraient plus voler leurs A 380 viennent de retrouver l’intérêt de ces gros porteurs, car après la pandémie qui avait stoppé le tourisme, la demande a explosé. Privés de vacances pendant près de 2 ans, tous veulent repartir et recommencer à voyager. Mais hélas pour les compagnies, la plupart ont licencié ou mis au chômage technique nombre de leurs employés y compris les pilotes. Et maintenant beaucoup, comme British Airways en particulier, ont dû annuler des milliers de vols cet été faute d’équipages en nombre suffisant.

Et pour couronner le tout, ce sont les aéroports qui affrontent un problème de personnel, surtout au niveau des personnels affectés aux contrôles de sécurité. Ce qui entraine des queues de plusieurs heures dans certains aéroports particulièrement en Allemagne.

De nombreux passagers ont ainsi raté leurs vols, et il n’est pas rare de voir des compagnies aériennes demander à leurs passagers de se présenter au moins 4 heures à l’avance ! Cette situation ingérable a amené des aéroports, comme à Francfort, à réduire de manière drastique le nombre journalier de décollages et d’atterrissages autorisés, en ordonnant aux compagnies d’annuler encore plus de vols.

De plus les effectifs du contrôle aérien en Europe sont juste suffisants et cela ne devrait pas faciliter l’augmentation à court terme du nombre de vols.

Face aux restrictions du nombre de vols pour les mois à venir, les dirigeants des compagnies aériennes ont réalisé qu’un gros porteur bien rempli est très rentable et qu’il n’utilise qu’un équipage et un seul créneau aérien alors que s’il était remplacé par des appareils plus petits il faudrait le double d’équipage et de créneaux.

Autre avantage d’importance, c’est un appareil qui permet d’avoir un grand nombre de sièges à haute contribution, Première, Business Class et Prémium tout en embarquant plusieurs centaines de passagers en classe Eco.

C’est pourquoi Lufthansa dont le PDG affirmait il y a tout juste un an, en août 2021 que ses Airbus A 380 ne voleraient plus, vient de manger son chapeau et dans un long message envoyé à tous ses clients, la compagnie allemande a annoncé le retour pour l’été 2023 de ses « très appréciés » A 380.

Sur les 8 appareils qui sont encore stockés, 5 vont reprendre du service et seront basés sur l’aéroport de Munich. Lufthansa qui possédait 14 A 380 avait réussi à en revendre 6 à Airbus.

De son côté British Airways vient discrètement de remettre en service deux de ses A 380 qui étaient stockés chez Tarmac Aerospace à côté d’une bonne trentaine d’autres A 380 appartenant à Lufthansa, Air France, Ethihad, etc…
Ce nombre devrait baisser quelque peu dans les mois à venir.

A Séoul, Asiana a réactivé deux de ses 6 A 380, mais des rumeurs laissent entendre qu’ils ne seraient exploités que pendant la saison estivale, de juillet à fin octobre.

Singapore Airlines va voir le nombre de ses A 380 en service passer de 9 à 12 avec l’arrivée prochaine de trois de ses appareils qui vont être réactivés après une totale rénovation.

Pour Quantas, 4 Airbus A 380, sur 6, reprennent du service, et au Japon Ana continue de faire voler ses 3 appareils.

Emirates qui est de très loin, le plus gros possesseur d’A 380, n’a jamais cessé de les faire voler même pendant la pandémie, même si c’est de manière plus réduite. Actuellement environ 70 de ces appareils sont en service et une cinquantaine sont stockés en attente.

Quant à Air France, la stratégie du mutisme qui est un de ses grands classiques, est toujours de rigueur. Interrogée à ce sujet, la réponse est restée de l’ordre d’un « no-comment » à peine poli. Impossible même d’avoir une réponse officielle à la question de confirmer le nombre d’Airbus A 380 d’Air France qui seraient encore stockés sur les sites de Tarmac Aerospace à Tarbes ou à Teruel. De toute façon, le nombre d’A 380 d’Air France représente moins de 3% de ceux sortis des chaines d’Airbus.

Ce retour de flamme de l’A 380 qui profite aussi des déboires et des retards pris par le Boeing 777X, est une jolie revanche, mais qui ne pourra durer éternellement. En tout cas dans les circonstances actuelles cela devrait être une bonne planche de salut pour les compagnies qui ont besoin de faire voyager un maximum de clients pour éponger leurs pertes et rembourser les prêts.

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