Les maisons coloniales de l’ile Maurice – Témoignages d’une époque disparue

La semaine du Patrimoine s’est tenue du 2 au 10 septembre dernier. L’inauguration a été faite par Xavier-Luc Duval, vice-Premier ministre, ministre du Tourisme, des Loisirs et des communications extérieures. Obsessions revient sur les maisons coloniales, véritables patrimoine du pays.

Témoignages immuables de tout un pan de l’histoire de Maurice, les maisons créoles datant de l’ère coloniale font aujourd’hui la fierté de notre île. Véritables chefs-d’œuvre d’architecture et d’esthétisme, les maisons de maîtres qui tiennent toujours impressionnent par leur ossature robuste. Elles auront en effet résisté aux cyclones qui visitent l’île presque tous les ans.

Entretenir ces bâtisses de l’époque coloniale coûte une fortune et c’est avec la mort dans l’âme que certains propriétaires sont contraints de les remplacer, à la fin de la saison cyclonique, par d’affreux cubes de dur posés à même le sol, sous une dalle plate en guise de toit, avec des murs troués de fenêtres carcérales dont les épais grillages sont censés protéger des voleurs.

Plus fragile que le béton certes, le bois a quand même prouvé sa résistance aux cyclones pendant plus d’un siècle et demi. De plus, les toits en pente de ces maisons ne retiennent pas les fortes pluies et forment, au-dessus des pièces d’habitation, un matelas d’air climatisant, alors que les toits en béton n’ont qu’une étanchéité relative et une inertie thermique assez désagréable. Ils emmagasinent la chaleur du jour pour la restituer la nuit et les plaques de moisissure sont courantes, surtout dans les régions humides.

En deux siècles, les Mauriciens ont appris à construire leurs maisons en fonction des vents, de la pluie, de la chaleur et de la lumière. Les premières cases de Port-Louis n’étaient que des caisses de bois équarri, posées à même le sol. On les transportait souvent en les dépeçant ou en les faisant glisser sur les rouleaux. Dans des abris précaires, du papier huilé remplaçait les vitres. La pierre n’apparut que sous Mahé de Labourdonnais et certaines demeures eurent des allures bretonnes. A Mahébourg, la belle maison des Robillard, aujourd’hui musée, en est un exemple.

Plus tard, les Anglais apportèrent le confort. Mais le bois resta le matériau préféré des charpentiers de marine qui construisirent, au temps des premiers habitants français, les premières maisons de Maurice. Mélangeant l’utile à l’agréable, certains ont utilisé les fibres de ravenala, l’arbre du voyageur, pour faire les murs. L’aspect de ces murs, faits de feuilles juxtaposées, est léger et fragile. Pourtant la maison résiste aux cyclones car les vents, au lieu de se heurter à la maison, la traversent par les rafales mauvaises  que leur opposer une âme compacte et rigide.

Dans une maison vraiment mauricienne, l’endroit le plus agréable est sans doute la varangue, lieu de passage et de repos entourant ou prolongeant les maisons, qui est à la fois salon et jardin. C’est le sas entre l’intimité du sanctuaire familial et l’inconnu du monde environnant. C’est sous la varangue que l’on reçoit l’étranger et qu’on fait sa connaissance avant de l’admettre dans le cœur de la maison.

Auparavant, les marins utilisaient la varangue comme poste d’observation. Les insulaires mauriciens, même s’ils ne scrutent pas la mer, y passent beaucoup de temps. Poste de curiosité, les bruits de l’extérieur et les mouvements du voisinage y sont perceptibles. Rien n’échappe aux varangues où, à l’abri des fougères et des alamandas, on peut tout voir sans être vu. Lieu de bien-être, par les pires canicules, un léger courant d’air glisse sur les sols polis, éventail invisible sur les fronts brûlants.

La varangue est un lieu de rêverie et de bavardage. Les confidences de varangue, toujours chuchotées, se colorent de teint pastel de l’aube et du cuivre des couchants. Vivre en varangue, c’est choisir de se ménager, dans un monde violent et nerveux, des instants de grâce et de sérénité.

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